Aimée CIPPE

 

« La tête dans les étoiles mais les pieds sur terre ».

Entretien et portrait par Tchisseka LOBELT

Aimée Cippe au pupitre en salle Jupiter                                                Aimée Cippe au pupitre en salle Jupiter

 

 

Lorsque l’on croise Aimée Cippe, visage juvénile, sourire lumineux vêtue de jolies robes colorées, on est loin d’imaginer que depuis le 21 septembre 2011, cette jeune femme est aux commandes des lanceurs européens comme Ariane 5, Soyouz ou Vega.

Les lancements Ariane 204 (ARABSAT-5C et SES-2), VV01 (LARES-CubeSats, ALMASat-1), Ariane 208 (INTELSAT 20 et HYLAS 2), VV02 (PROBA V et VENERDSat-1) et VS06 (gaia) sont à mettre à l’actif de cette Guyanaise qui, à 37 ans, devenait la première femme Directeur des Opérations du CNES/CSG, autrement dit aux commandes des départs de fusées.

Le DDO pilote une campagne plusieurs mois en amont avant le jour « J » du lancement dit « J0 ». Son travail consiste à coordonner la mise à disposition des moyens opérationnels (télécommunications, logistique, transport, mesures, formations, etc) qui seront nécessaires aux clients satellites pour la préparation de leur charge utile en Guyane mais également de la configuration de la Base pour la chronologie finale de lancement. L’objectif final étant le jour du lancement où le DDO, tel un chef d’orchestre au centre de contrôle en salle Jupiter, assurera la coordination opérationnelle des équipes aux manettes des opérations des moyens techniques qui concourent à un lancement de fusée. Mission qui se doit d’être réussie pour le plus grand bonheur des clients satellites, personnalités locales, industriels présents mais également de l’ensemble des spectateurs et téléspectateurs émerveillés par le Spatial.

 

Chimiste de formation par la filière universitaire, entrée au Centre Spatial Guyanais (CSG) il y a 14 ans, Aimée Cippe débute comme ingénieur au service sauvegarde et environnement. Elle y reste pendant 5 ans durant lesquels elle a mené à bien le projet de certification du management environnemental du CNES/CSG (norme ISO14001). Elle a poursuivi durant les 5 années suivantes au service Support/Clients en tant que responsable d’activités des moyens Laboratoires. Durant cette période, elle exerçait également la fonction de responsable moyens charge utile, un des adjoints du DDO en campagne satellite. Puis c’est tout naturellement que sa hiérarchie lui a demandé de tenter sa chance en tant que DDO.

 

Ayant postulé au poste de DDO sans trop y croire, «  j’ai mis presque un mois avant de donner ma lettre de candidature. J’avais besoin de réfléchir, de faire le tour de la question car lorsque je m’investis dans un domaine ce n’est pas pour échouer ». D’un caractère bien trempé, elle reconnaît être déterminée, volontaire, et allant jusqu’au bout des choses « je ne crois pas avoir un jour laissé quelque chose en suspens », déclare-t-elle prête à relever ce challenge. Au sein de la base, ses collègues guyanais sont fiers d’elle et la soutiennent. La hiérarchie lui fait confiance, elle est nommée à cet important poste à responsabilités. En effet, depuis quelques années déjà, le CNES a toujours soutenu les jeunes Guyanais soit au travers de soutiens boursiers ou au travers de sa politique d’embauches locales en y faisant une priorité. Cela permet aux jeunes diplomés de rentrer au pays et de s’investir…

 

Mais Aimée Cippe n’est pas du genre à avoir la grosse tête. « Je suis restée égale à moi-même. Depuis que je suis passée DDO, les gens m’abordent naturellement pour discuter. Je reçois des marques de soutien de la part de mes collègues quand je suis en campagne ce que j’apprécie grandement. Dans les rues, en Guyane, bien que les gens me reconnaissent, j’essaie de passer inaperçue, je sors peu. En revanche, ce que j’espère serait de pouvoir marquer l’esprit de certains jeunes et tant mieux si cela permet d’engendrer d’éventuelles vocations plus tard ».

Aimée Cippe

Cette Guyanaise est un pur produit du métissage de ce territoire, avec un père créoleoriginaire de Ouanary (Est guyanais) et d’une mère indonésienne javanaise. Aimée a passé toute sa jeunesse à Cayenne. Son parcours est classique, des études au lycée Félix Eboué, puis elle entame des études universitaires qui la conduiront à Toulouse, Avignon puis Limoges où elle obtiendra son Diplôme d’Études Supérieures Spécialisées en chimie et management de l’environnement.

 

Son métier, très prenant, se conjugue difficilement avec une vie de famille. En effet, le poste de DDO demande un investissement sans faille durant une campagne de tir. « Il est difficile de concilier le tout, on sait quand on part mais pas quand on rentre ».

Aujourd’hui ses distractions favorites sont le cinéma, elle apprécie les films d’aventure ou d’espionnage. Également les lectures sur le développement spirituel de soi. Sportive, elle pratique la natation, le vélo, s’adonne à la chasse lorsque les occasions se présentent.

 

Femme active toujours partante pour mener de nouvelles expériences, depuis un an Aimée Cippe a quitté sa terre natale pour une nouvelle expérience professionnelle au Cnes à Paris Daumesnil. Cette mobilité représente pour elle un nouveau challenge tant sur le plan professionnel que personnel.

 

Comme souhait, elle exhorte les jeunes à poursuivre des études, surtout à aller au bout des choses, à ne pas hésiter à acquérir des compétences, de nouvelles expériences et à ne pas rechercher uniquement la facilité grâce aux aides de l’Etat. Il n’y a pas de sous métiers, l’essentiel est d’exercer un métier qui nous plait et être autonome financièrement. « Savoir gagner son pain à la sueur de son front »!

Il faut qu’ils concrétisent leurs idées, leurs rêves, qu’ils soient courageux et créent des entreprises et ainsi contribuent au développement économique de leur beau pays qu’est la Guyane. Ne jamais baisser les bras face aux difficultés qu’ils rencontreront sur leur chemin.

Chasse et tradition

Proche de la tradition, fan de folklore, issue d’une famille de tanbouyens, dont l’un des tenants est Reno Cippe, cousin de son père, ainsi qu’Emilie Sébéloué, tous deux piliers de la musique traditionnelle locale, Aimée Cippe n’hésite pas dès qu’elle en a l’occasion à participer à des soirées tanbou. « J’aime danser, m’habiller en tenue traditionnelle madras ».

Son péché mignon, la cuisine. Elle réalise des plats javanais, le colombo local, le bouillon « wara » qu’elle préparait déjà sur une péniche à Toulouse lorsqu’elle était étudiante. Assez rare pour une femme en Guyane, elle pratique la chasse qu’elle adore et prépare du gibier, cochon bois, agouti, iguane…

La tête dans les étoiles mais les pieds bien sur terre, Aimée Cippe est une femme proche de la nature qui aime nager, courir, danser, en somme des joies simples qui  complètent son équilibre personnel…

Entretien et portrait par Tchisseka LOBELT

Mars 2015

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